Modèle coopératif/
La coopérative, une entreprise « différente »
Les coopératives occupent une place de choix dans l'économie du Québec. Important agent de développement du territoire, ces entreprises jouent un rôle considérable dans la collectivité. Toutefois, ce qui permet de différencier les coopératives des autres formes d'organisation n'est pas toujours bien connu.
Les traits distinctifs d'une entreprise coopérative
Une coopérative est un regroupement de personnes ou de sociétés qui décident ensemble de satisfaire à certains de leurs besoins communs en exploitant une entreprise conformément aux règles d'action coopérative. Elle est donc possédée et contrôlée par les porteurs mêmes des besoins économiques, sociaux ou culturels qu'elle vise à satisfaire. Elle agit nécessairement dans le secteur marchand et assure la prestation de services ou la production de biens.
Les membres adhèrent à la coopérative afin d'avoir accès à différents services au meilleur coût possible et d'en faire bénéficier leur collectivité. Leur but n'est donc pas d'investir des capitaux dans une entreprise pour en retirer des gains pécuniaires. Ils recherchent un rendement d'usage et non un rendement de capital (Consultez la chronique Le capital social, vous connaissez?). L'article 128 de la Loi sur les coopératives (RLRQ, chapitre C-67.2) prévoit d'ailleurs que l'activité d'une coopérative avec ses membres ne constitue pas un moyen de profit.
La formule coopérative s'adapte selon les groupes, les milieux et les secteurs d'activité économique, et permet l'émergence d'entreprises capables de combler des besoins variés. Ces besoins peuvent aussi bien concerner l'obtention d'un service (services de logements, services de proximité, services funéraires, etc.) par l'entremise de la coopérative de consommateurs ou de la coopérative de solidarité, la création d'emplois ou la relève d'entreprises au moyen de la coopérative de travail ou de la coopérative de travailleurs actionnaire ou encore la transformation et la mise en marché de produits par l'intermédiaire d'une coopérative de producteurs.
Les membres d'une coopérative assument ensemble les responsabilités liées à la propriété et au contrôle de l'entreprise. Ils contribuent de manière équitable au capital de leur coopérative au moyen notamment de leurs parts de qualification.
L'assemblée générale des membres est un lieu privilégié d'exercice de la démocratie. En effet, les orientations de l'entreprise y sont déterminées par les membres sur la base du principe « un membre — un vote », quel que soit le nombre de parts détenues.
De plus, la présence des membres au conseil d'administration les place au cœur de la gestion de leur entreprise. Les postes du conseil sont ouverts à tous les membres, ce qui donne la possibilité à chacun de participer de façon plus importante au développement de l'entreprise et de relever un nouveau défi.
Lorsque la coopérative réalise des excédents, ils sont d'abord affectés à la réserve de la coopérative, laquelle constitue un patrimoine collectif qui ne peut être partagé entre les membres en cours d'exploitation ni en cas de liquidation.
Les membres peuvent également décider de répartir entre eux une partie des excédents sous forme de ristournes, au prorata des activités effectuées avec la coopérative. Cette répartition est donc effectuée en fonction de l'usage des services de la coopérative et non de la participation au capital de l'entreprise, conformément au concept du rendement d'usage.
Comme la coopérative vise à offrir à ses membres des services à un juste prix, l'attribution de ristournes constitue simplement un mécanisme d'ajustement, a posteriori. De plus, la proportion des excédents réalisés avec des non-membres ne peut être partagée entre les membres. La notion de profit ou d'avantage pécuniaire personnel est donc absente puisque, dans les faits, la coopérative élimine plutôt le profit que réaliserait un intermédiaire.
Soulignons que plusieurs coopératives au Québec se sont interdites à la fois l'attribution de ristournes aux membres ainsi que le versement d'intérêts sur les parts détenues par les membres afin de s'assurer que les excédents de la coopérative soient entièrement consacrés à l'atteinte de sa mission.
En plus de partager des besoins communs, les coopérateurs partagent des valeurs et sont animés par des convictions. Ces valeurs de prise en charge, de démocratie, d'égalité, d'équité et de solidarité sont traduites législativement dans les règles d'action coopérative prévues à l'article 4 de la Loi sur les coopératives (RLRQ, chapitre C-67.2), conformément aux principes coopératifs internationaux énoncés par l'Alliance coopérative internationale (ACI). Outre les règles de fonctionnement précédemment décrites, les coopératives sont tenues d'encourager la formation coopérative, de promouvoir l'intercoopération et de favoriser le soutien au développement de leur milieu. Elles ont donc une finalité à portée sociale clairement exprimée par les règles d'action coopérative et contribuent au dynamisme de leur milieu. En lien direct avec les besoins de leurs membres et enracinées dans leur collectivité, les coopératives sont difficilement « délocalisables ».
S'inscrivant dans une démarche entrepreneuriale, les coopératives sont soucieuses de leur indépendance et visent une efficacité autant économique que sociale. Elles produisent une richesse répartie de manière équitable et utilisée pour le développement des services.
Comme elles n'agissent pas dans un but lucratif mais pour rendre des services disponibles, toutes leurs décisions d'affaires s'inscrivent dans une dynamique différente. Elles choisiront, à titre d'exemple, de maintenir certains services moins rentables mais d'utilité réelle pour leurs membres et la collectivité, alors qu'une gestion purement d'affaires aurait amené leur suppression.
Les coopératives ont présenté à leurs membres des bilans sociaux bien avant que cela ne soit à la mode. Elles sont porteuses de solidarité intergénérationnelle par l'accumulation d'un patrimoine collectif indivisible entre les membres et destiné à d'autres générations de coopérateurs.
Signalons de plus que les coopératives sont soumises à un encadrement juridique exigeant, qui favorise de bonnes pratiques associatives, de bonnes pratiques d'affaires ainsi que la transparence dans les relations de la coopérative avec ses membres. Dans le cadre de la dernière réforme de la Loi sur les coopératives(RLRQ, chapitre C-67.2), en vigueur depuis novembre 2005, les réseaux coopératifs ont fortement contribué à enrichir ce cadre juridique dans un souci de bonne gouvernance et d'authenticité coopérative.
Une étude1 de l'ancien ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation (MDEIE) démontre de plus que le taux de survie des coopératives atteint presque le double de celui des entreprises québécoises après cinq ans et dix ans d'existence. Cette durabilité des entreprises coopératives n'est certainement pas étrangère à leur finalité particulière et à leur ancrage dans le milieu, lesquels donnent lieu à des décisions d'affaires qui prennent en compte tant l'aspect social que l'aspect économique.
La coopérative peut-elle être créée et exploitée à des fins non lucratives?
Oui, au Québec, plusieurs coopératives de consommateurs ou de solidarité sont exploitées à des fins non lucratives, car :
- elles visent la prestation de services à leurs membres et non le partage de bénéfices;
- elles s'interdisent le versement de ristournes aux membres;
- le capital détenu par les membres ne porte pas intérêt;
- leurs excédents servent exclusivement à l'atteinte de la mission de la coopérative;
- elles sont issues de leur collectivité et agissent pour leur collectivité;
- elles sont tenues de respecter les principes d'un fonctionnement démocratique2;
- leur réserve générale (équité) est un patrimoine collectif impartageable entre les membres en cours d'exploitation et en cas de liquidation3;
- elles sont soumises à d'importantes obligations de reddition de comptes auprès de leurs membres.
Comme nous pouvons le constater, plusieurs coopératives, par leur nature et leur mode d'organisation, peuvent répondre au mode de fonctionnement attendu des OBNL. Cela est d'ailleurs déjà reconnu sur le plan fiscal, comme indiqué dans le Bulletin IMP. 996-1/R3 de Revenu Québec.
Il faut par ailleurs constater que, lors de la conception de programmes, de lois ou de mesures, il arrive que la formule coopérative ne soit pas spécifiquement prise en compte. Dans la plupart des cas, il s'agit d'un oubli fondé sur la méconnaissance de la formule coopérative plutôt que d'une intention d'exclure ces entreprises.
Les règles qui régissent les coopératives offrent pourtant des garanties de gouvernance démocratique ainsi que de protection du patrimoine collectif et comportent des obligations de reddition de comptes qui devraient rassurer les administrateurs de mesures ou de programmes.
Les entreprises coopératives, porteuses de démocratie et d'engagement envers la collectivité, assurent dans le temps le respect de leur mission au service des personnes. Elles méritent pleinement d'être reconnues dans toute leur spécificité.
- Ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, Taux de survie des coopératives au Québec, 2008.
- Facultatif dans un organisme à but non lucratif (OBNL).
- Partageable dans certains OBNL.