Les conséquences de l’essor du « crédit privé » sur l’évolution des entreprises et le système financier
Un article du Harvard Law School Forum on Corporate Governance commente la croissance des fonds d’investissement qui déploient des stratégies dites de « crédit privé » – principalement sous la forme de prêts garantis de premier rang aux entreprises. Ces fonds ne géraient que 400 millions de dollars en 2000. En 2023, ils atteignaient 1 500 milliards de dollars. Cela représente une modification profonde de la propriété, de la gouvernance et du financement des entreprises américaines au cours des dernières décennies.
Cette évolution s’expliquerait par la consolidation de ce que l’on appelle désormais un « marché des capitaux propres », lorsque les banques – les entités qui traditionnellement octroyaient des prêts aux entreprises – se sont mises, au cours des années 1990, à identifier les entreprises qui avaient besoin de capitaux et à rechercher des investisseurs non bancaires pour les fournir.
Au fil des années, on constate deux tendances majeures, plutôt contradictoires, en matière de propriété des capitaux propres des entreprises :
- La privatisation, c’est-à-dire la sortie à grande échelle des entreprises du système de réglementation publique et des marchés riches en informations.
- La concentration des capitaux propres des sociétés ouvertes et fermées entre les mains de puissants fonds d’investissement.
En matière de capital-investissement, la tendance est à la privatisation des sociétés cotées et à la « concentration » croissante de la propriété partagée, gérée par un nombre réduit de gestionnaires d’actifs.
D’un autre côté, la tendance en matière de dette des entreprises est à la « démocratisation », où un grand nombre d’investisseurs passifs et dispersés fournissent le capital, et les entreprises sont encadrées par les marchés boursiers plutôt que par des intermédiaires actifs et experts comme les banques.
Il est à noter que les emprunteurs apprécient le crédit privé, car il leur permet de déployer des capitaux rapidement, avec souplesse et avec plus de confidentialité et de certitude que sur les marchés de la dette publique. De leur côté, les gestionnaires d’actifs trouvent alléchant de parrainer des fonds de crédit privés dans le but d’obtenir des rémunérations élevées, de déployer des capitaux avec des contraintes réglementaires minimales et, dans certains cas, de tirer profit de leur taille tout en constituant des fonds gigantesques.
Avec l’expansion du crédit privé, il est à prévoir que les informations sur les entreprises, les investisseurs et les transactions se feront de plus en plus rares. On pourrait donc imaginer une entreprise qui est détenue par un fonds de capital-investissement et financée par un fonds de crédit privé. Ces entreprises évolueraient dans un vide d’information et de réglementation quasi total par rapport à celles qui accèdent aux marchés publics ou quasi publics.
Enfin, on ne peut pas écarter la possibilité que dans un monde où la dette ne se négocie plus, l’écosystème réglementaire et les procédures juridiques qui encadrent le processus de restructuration de la dette des entreprises pourraient éventuellement s’effondrer, laissant place aux préjugés et aux idiosyncrasies des fonds d’investissement privés et de leurs commanditaires.
Un article du Harvard Law School Forum on Corporate Governance commente la croissance des fonds d’investissement qui déploient des stratégies dites de « crédit privé » – principalement sous la forme de prêts garantis de premier rang aux entreprises. Ces fonds ne géraient que 400 millions de dollars en 2000. En 2023, ils atteignaient 1 500 milliards de dollars. Cela représente une modification profonde de la propriété, de la gouvernance et du financement des entreprises américaines au cours des dernières décennies.
Cette évolution s’expliquerait par la consolidation de ce que l’on appelle désormais un « marché des capitaux propres », lorsque les banques – les entités qui traditionnellement octroyaient des prêts aux entreprises – se sont mises, au cours des années 1990, à identifier les entreprises qui avaient besoin de capitaux et à rechercher des investisseurs non bancaires pour les fournir.
Au fil des années, on constate deux tendances majeures, plutôt contradictoires, en matière de propriété des capitaux propres des entreprises :
- La privatisation, c’est-à-dire la sortie à grande échelle des entreprises du système de réglementation publique et des marchés riches en informations.
- La concentration des capitaux propres des sociétés ouvertes et fermées entre les mains de puissants fonds d’investissement.
En matière de capital-investissement, la tendance est à la privatisation des sociétés cotées et à la « concentration » croissante de la propriété partagée, gérée par un nombre réduit de gestionnaires d’actifs.
D’un autre côté, la tendance en matière de dette des entreprises est à la « démocratisation », où un grand nombre d’investisseurs passifs et dispersés fournissent le capital, et les entreprises sont encadrées par les marchés boursiers plutôt que par des intermédiaires actifs et experts comme les banques.
Il est à noter que les emprunteurs apprécient le crédit privé, car il leur permet de déployer des capitaux rapidement, avec souplesse et avec plus de confidentialité et de certitude que sur les marchés de la dette publique. De leur côté, les gestionnaires d’actifs trouvent alléchant de parrainer des fonds de crédit privés dans le but d’obtenir des rémunérations élevées, de déployer des capitaux avec des contraintes réglementaires minimales et, dans certains cas, de tirer profit de leur taille tout en constituant des fonds gigantesques.
Avec l’expansion du crédit privé, il est à prévoir que les informations sur les entreprises, les investisseurs et les transactions se feront de plus en plus rares. On pourrait donc imaginer une entreprise qui est détenue par un fonds de capital-investissement et financée par un fonds de crédit privé. Ces entreprises évolueraient dans un vide d’information et de réglementation quasi total par rapport à celles qui accèdent aux marchés publics ou quasi publics.
Enfin, on ne peut pas écarter la possibilité que dans un monde où la dette ne se négocie plus, l’écosystème réglementaire et les procédures juridiques qui encadrent le processus de restructuration de la dette des entreprises pourraient éventuellement s’effondrer, laissant place aux préjugés et aux idiosyncrasies des fonds d’investissement privés et de leurs commanditaires.